Débutée en avril 2019, Florence Jou mène l’enquête lors de sa résidence de création au centre d’art contemporain Le Grand Café. L’artiste envisage ses temps de déplacements à Saint-Nazaire comme une déambulation poétique dans l’histoire du Grand Café. Au gré de ses balades, de ses rencontres, de ses fouilles dans les archives de la ville, Florence Jou conçoit un cheminement chronologique, presque de l’ordre de la topographie, où chaque élément fait surgir de l’oubli une nouvelle donnée, un nouvel itinéraire à suivre. Les entretiens, les anecdotes, les personnalités, les méthodes de travail sont autant d’éléments qui viennent nourrir son imaginaire et construire un territoire élargi autour du centre d’art. Les instants d’investigation viennent croiser les trajectoires littéraires et théoriques de l’artiste. Les ouvrages Le capitalisme patriarcal de Silvia Federici et Habiter le trouble avec Donna Haraway , par exemple, esquissent les contours de son enquête. Une fois le temps de la récolte passé et les éléments exhumés, Florence Jou se confronte à l’écriture. Entre croquis cartographique et journal poétique, l’artiste rassemble cette matière hétérogène afin d’écrire un récit inédit.
La résidence de création de Florence Jou se conclut par la mise en voix de ses textes. Le temps d’une performance, l’étage du centre d’art se transforme en terrain d’écoute, où un dispositif d’adresse a été spécialement créé par l’artiste sonore, Dominique Leroy. Florence Jou devient la narratrice d’une histoire plurielle du Grand Café, conçue dans un espace-temps multiple, où passé, présent et futur se conjuguent. Les trois tableaux imaginés par l’artiste – le Bureau d’étude, le Café, le Centre d’art – forment un seul territoire, pensé par l’artiste comme « 
un cadastre mémoriel 
». Les trois scènes interrogent ce qui a pu se produire et se reproduire dans ce lieu, et peuvent se répondre au travers de pistes telles que l’industrialisation, les transformations de gestes et savoir-faire, les positions sociales des femmes. Les textes, à la manière d’une partition, sont activés, tour à tour, par la parole des différents protagonistes de la performance. Comme dans une chambre de résonance, les voix dialoguent dans un jeu de polyphonie. Pourtant, loin d’être une retranscription véridique et linéaire de ses recherches, le récit engage une part importante de fiction. La performance s’accorde avec les codes du théâtre (lumière, corps, voix) et participe à l’élaboration d’une forme hybride dans l’espace, entre théâtralité et poésie.