Film couleur, son stéréo, 8 min
Production Le Grand Café – centre d’art contemporain, Saint-Nazaire
Pour construire ses dispositifs visuels, Noémie Goudal privilégie une forme d’artisanat du décor, qui arbore volontiers son côté expérimental et ses imperfections, à rebours de l’esthétique lisse des logiciels de retouche numérique.
La nouvelle installation de l’artiste confirme cette dimension savamment bricolée, la poétique des effets spéciaux modestes, l’inventivité des décors en papier où la matérialité de l’image s’impose. Intitulée Inhale Exhale (Trad. Inspire Expire), elle met en scène deux écrans présentés dos à dos, qui diffusent en boucle la même projection vidéo, diffusée en décalage. Les images nous plongent dans un paysage de marais calme, caractérisé par le fourmillement végétal de ses berges. De ce plan d’eau verdâtre surgissent plusieurs pans de décors hissés par un système de cordes et poulies, puis à nouveau immergés sous la surface stagnante.
Performance en plan fixe, ce dispositif laisse apparaître lentement de nouvelles strates de végétation tropicale, palmiers et bananiers, qui constituent différents lieux de mémoire du paysage. Ici, l’artiste fait subtilement référence à l’histoire de la géologie, lorsque le climatologue allemand Alfred Wegener formula sa théorie de la dérive des continents en 1912. Bien après sa mort, les mécanismes de la tectonique des plaques sont devenus évidents pour la communauté scientifique, tout comme l’emboîtement visuel de l’Afrique et de l’Amérique latine ou la présence de certaines espèces végétales ou de minéraux de part et d’autre de l’Atlantique. À ce titre, le palmier ou le bananier apparaissent de manière récurrente dans l’œuvre de Noémie Goudal : ce sont des marqueurs de mouvement, témoins de l’histoire de ce paysage disloqué.
L’installation Inhale Exhale intègre cette idée de mouvement perpétuel des continents sous une forme méditative et chorégraphique. Les images se tournent le dos de manière différée, comme un canon musical, un souffle vital et originel amplifié par une ambiance sonore englobante, bruits de la faune et rumeur alarmante qui semble venir des entrailles de la terre, couplé aux grincements provoqués par l’activation du décor.
Notice basée sur le texte d’Eva Prouteau, critique d’art