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Montage : Yoann Le Claire
Interview : Amélie Evrard
Exposition
Veit Stratmann a fait de l’espace (et de son usage) la question centrale de sa réflexion dans un va-et-vient permanent entre l’espace d’exposition et l’espace urbain. Ses gestes sont simples et souvent radicaux : repousser vers l’intérieur la devanture d’une galerie, surélever un sol, rétrécir en les obstruant les passages entre deux salles, abaisser le plafond d’une chapelle à l’aide de néons suspendus. Les matériaux qu’il utilise sont ceux de l’architecture ou du design urbain : plâtre, parpaing, néons, plastique, acier cintré… et ne subissent aucun détournement d’usage : le parpaing cloisonne, le néon éclaire, le rideau plastique divise mais laisse voir… Curieusement, cet usage littéral du matériau est mis au service d’une fiction que l’artiste propose au spectateur. Il s’agit pour Veit Stratmann de mettre en place des situations, en apparence compréhensibles, mais totalement improbables où le spectateur est laissé à son désœuvrement, voire à sa frustration. Rapidement, il comprend que dans les dispositifs produits par l’artiste, il n’y a rien à contempler et que c’est lui (la relation entre son propre espace et l’espace proposé par l’artiste) le véritable sujet de l’œuvre.
Ainsi, au terme de sa résidence à Saint-Nazaire, Veit Stratmann a conçu une intervention dans l’espace du Grand Café qui se donne comme un événement à l’échelle du lieu, tout en renvoyant à sa situation dans la ville. En contrepoint, l’artiste a élaboré une programmation de films qui parlent de l’idée générique de ville, projetés à Cinéville. Il a également invité divers intervenants (artistes, architectes, écrivains…) à réagir à son projet.
Au Grand Café, Veit Stratmann construit un mur qui traverse le bâtiment de part en part, sur toute sa hauteur, suivant la diagonale du lieu. Ce mur laisse libre d’accès l’escalier central qui conduit à l’étage. Au moyen de cette construction artificielle, l’artiste cherche à sceller le premier et le deuxième niveau du bâtiment et ainsi à neutraliser leurs orientations naturelles et les déplacements qu’ils induisent : au rez-de-chaussée, de la ville vers l’intérieur, à l’étage, de l’intérieur vers la ville. L’utilisation du carreau de plâtre, dont les joints restent visibles, rend aveugle tous les points de vue offerts (mais aussitôt confisqués) au spectateur. Au terme de l’expérience, à force d’être tenu en respect, toujours à l’extérieur d’un espace que ce mur suggère autant qu’il l’occulte, ne se trouvant jamais du bon côté du mur, le spectateur comprend que cette séparation agit comme un miroir (un réflecteur) qui renvoie à lui-même, à son propre espace. Ce geste de l’artiste agit directement sur la valeur d’usage de l’espace et sur son statut. Tout se passe comme si la façade anonyme d’un des bâtiments de la ville était rentrée à l’intérieur du centre d’art, transformant alors ses salles en véritables espaces publics.
Production
Résidence liée
Édition
Biographie
Né en 1960 à Bochumn (Allemagne).
Vit et travaille à Paris.
L’artiste est représenté par Galerie Chez Valentin (Paris).