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Montage : Yoann Le Claire
Entretien : Amélie Evrard
Exposition
Depuis 1990, Krijn de Koning conçoit principalement des sculptures in situ qui empruntent à l’architecture un vocabulaire élémentaire : sols, murs, plafonds, ouvertures en « portes » et en « fenêtres » pour ménager au spectateur la surprise de points de vue inédits et multiples sur l’espace investi et sur l’espace interne de la sculpture. Parfois pénétrables, ces constructions proposent une expérience plutôt jubilatoire de l’espace autant physique que visuelle et déploient un dispositif où la notion de passage est fondamentale. Krijn de Koning propose ainsi un aller-retour constant de la perception entre l’œuvre dans son lieu et le lieu de l’œuvre. Chacune de ses interventions amplifie les sensations physiques d’un espace et circonscrit ce qui en fait la matérialité, notamment par le jeu de la couleur toujours appliquée en aplat. Comme plusieurs artistes de sa génération, Krijn de Koning place l’expérience au cœur de sa démarche et propose un monde où le moment vécu de cette matérialité semble constituer l’ultime donnée tangible et « fiable » de la réalité.
Au Grand Café, l’artiste a choisi d’intervenir à la fois dans la salle d’exposition principale et à l’étage en concevant deux sculptures spécifiques à ces espaces très différents. Chacune des œuvres résulte d’une observation fine du lieu. L’artiste ne conçoit pas ses installations sur plan à partir de présupposés théoriques. Il commence toujours par ressentir le lieu de manière physique ; ses œuvres résultent donc d’une certaine intimité avec le lieu.
Au Rez-de-chaussée, la construction proposée par Krijn de Koning s’articule autour des piliers de la salle car ils sont des éléments vers lesquels le regard revient sans cesse. Il s’agit pour Krijn de Koning de ramener ces piliers à l’intérieur de la sculpture dans une forme qui à la fois les ignore et les souligne. Ainsi cernés, les piliers perdent toute utilité, toute fonctionnalité, mais leur simple présence fait exister l’espace qui les enserre. La couleur unique unifie et densifie la sculpture. Le jeu des transparences rendu possible grâce à de larges ouvertures invite le spectateur à se déplacer et le met en situation de contempler l’espace en lui ménageant la possibilité de stations à l’intérieur de la sculpture. C’est là un des points singuliers du travail de Krijn de Koning : offrir à nouveau au spectateur la possibilité de s’adonner librement à la contemplation.
À l’étage, Krijn de Koning a choisi de construire une sculpture à cheval sur les deux salles. Il propose ainsi un seul espace, là où l’architecture initiale en fait deux. Parce qu’ils sont plus épais que la cloison existante, les murs de la sculpture inversent le sentiment de pérennité attaché à toute architecture « réelle ». Autrement dit, on a presque le sentiment que l’architecture du Grand Café est venu se poser par-dessus la sculpture de l’artiste. Le choix même d’inscrire la sculpture à l’intérieur de trois portes dit bien le rôle que Krijn de Koning donne à l’expérience du passage. Le passage, de l’extérieur à l’intérieur, maintes fois renouvelé dans une seule sculpture, est ce qui interdit que le rapport à l’œuvre se fasse sans l’œuvre, par l’intermédiaire d’une reproduction par exemple. En cela Krijn de Koning se démarque de nombreux sculpteurs de sa génération qui tentent « d’éparpiller » la sculpture, de l’élargir à d’autres formes. Son travail au contraire constitue en effet une sorte de « re-proclamation » de la sculpture comme élément tridimensionnel et comme procédé d’inscription dans le site.