Exposition
L’exposition proposée au Grand Café revient sur la notion d’auteur à travers les œuvres et démarches de deux artistes : Claude Closky et Jean Philippe Lemée.
S’intéressant aux notions d’activité et de désœuvrement, c’est fort logiquement que l’emprunt constitue un trait caractéristique de l’œuvre de Claude Closky. Son travail puise en effet dans l’univers très codé des images publicitaires des magazines. Après avoir réalisé des inventaires et des classements de produits de consommation et d’images découpées dans les prospectus de supermarchés, ce sont les cosmétiques, les parfums, l’horlogerie, la bijouterie et le luxe en général, surreprésentés dans les publicités de magazines, qui infiltrent désormais ses œuvres : collages, livres, photos. Ce changement dans l’iconographie s’accompagne aussi d’une attitude nouvelle face à la question de l’emprunt. Plus radicale aujourd’hui, il convient davantage de parler d’appropriation.
De ces publicités, il isole les codes, surenchérit sur l’image, son langage et ses mécanismes, joue sur les conventions de la représentation. Ce faisant, Closky fait d’une pierre deux coups : d’une part, il nous dit que les signes (qui composent le langage publicitaire) comme les produits sont des biens consommables, qu’ils ont le même statut. De l’autre, en jouant avec les apparences, il nous replace au cœur d’une réalité qui nous abuse et dont il nous appartient de démêler le faux du vrai, la fiction du réel.
Les peintures de Jean-Philippe Lemée partagent avec les œuvres de Claude Closky le goût de l’accumulation et de la prolifération du motif en même temps que sa relégation au rang d’élément décoratif. Prélevés dans le champ de l’histoire de l’art et bien avant de devenir des tableaux, les stocks d’images que Jean-Philippe Lemée constitue, passent littéralement de main en main, dans une opération ludique et amusée de délégation du faire.
Jean-Philippe Lemée a conçu un ensemble de 15 nouvelles toiles pour l’exposition. La série des Multiplication (d’après Fra Angelico, Matisse, Seurat et Watteau), dans laquelle l’artiste décline un principe qui préside toujours à la réalisation de ses tableaux : choisir un sujet, le proposer à des anonymes qui en font le dessin en un temps très court, repasser au feutre noir le contour de ces croquis, attribuer des couleurs par la réalisation de maquettes sur ordinateur et confier le report sur toile du tout (après agrandissement) à son « assistant », soit un peintre en lettre qui ne travaille que par cernes noirs et aplats de couleurs. De ces tableaux copiés, Jean-Philippe Lemée prélève un détail (d’un côté tous les angles, de l’autre les vierges pour Fra Angelico par exemple), le multiplie dans une opération de collage. Ainsi, certains dessins qui du point de vue académique sont considérés comme mauvais se retrouvent particulièrement mis en valeur dans la composition de Jean-Philippe Lemée. Ce recyclage des motifs participe d’une célébration des auteurs successifs parce que l’artiste considère qu’un dessin réalisé par un amateur anonyme est aussi digne de regard qu’une œuvre signée d’un artiste. Quant à la série intitulée Eh oui, elle propose six copies d’une œuvre de Jacques Villeglé (artiste affichiste qui avec Raymond Hains participa au Nouveau Réalisme), chacune réalisée par une succession de personnes.
En proposant une peinture sans peindre et en se positionnant comme un intermédiaire entre l’œuvre et le public Jean-Philippe Lemée repose avec malice la question de l’auteur. Avec lui, on se demande qui fait quoi, et à qui appartiennent les œuvres d’art. À celui qui les pense, à celui qui les copie, à celui qui leur donne une matérialité ou à celui qui les regarde ?
Œuvres
500 x 266 cm
Courtesy de l’artiste
23,5 x 34 cm
Courtesy de l'artiste
Courtesy de l'artiste
83 x 160 cm
Collection Teseco Fondazione per l'Arte, Pisa
110 x 130 cm
Courtesy de l’artiste
110 x 130 cm
Collection FRAC Bretagne, Châteaugiron