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Spolia, 2018
Film réalisé par Sylvain Huet / Avis d’Eclaircies
Exposition
« Under construction, everything is only half complete. In ruins, all is complete. »
Le Prince, Béla Tarr, Les Harmonies Werckmeister, 2000
Identité hybride, le jeune duo mountaincutters pratique la sculpture in situ, contaminant radicalement l’espace des lieux où il / elle expose.
En écho à cette identité trouble répond une incertitude esthétique, qui privilégie les situations transitoires et les formes inachevées pour des compositions a priori fortuites, à la beauté sauvage. Matériaux corrompus et objets salis, poussière, terre et rouille envahissant surfaces et sols, dalles de bétons brisés, céramiques grossières, eau en circuit continu, les installations de mountaincutters sont des traces d’activités improbables, suspendues entre construction et destruction, architecture et archéologie, s’apparentant parfois à un chantier abandonné.
Un caractère brut, pour ne pas dire brutal, dont l’« informe » suscite une part de doute et de malaise, mais aussi une certaine fascination pour la ruine. Cette aridité manifeste ne masque pas la rigueur ni la précision de compositions discrètement théâtralisées, voire spectaculaires, qui impliquent toujours une activité « en creux ». De fait, tout ici résonne d’un corps absent, dont les sculptures seraient les prothèses, appendices rudimentaires et insuffisants figés dans une logique fonctionnelle dont la finalité nous échappe. Et si c’était une scène de théâtre, ce serait celle de la tragédie, ou plus précisément de ses résurgences à l’ère industrielle. De fait, la pratique sculpturale de mountaincutters a quelque chose de littéraire. Elle s’accompagne d’un travail d’écriture, poésie brute rédigée à la première personne, qui ouvre un pendant organique aux structures matérielles. Parfois, c’est la présence de photographies argentiques qui engage des amorces de narration. Dès lors, c’est un insondable mystère qui se dégage de cette « œuvre », qu’on entend ici au double sens étymologique de travail et d’opera, c’est-à-dire lié à la peine, à la modification des corps, mais aussi à l’énigme de la création.
Le projet d’exposition Spolia propose de déplier le travail des mountaincutters à travers une vaste installation qui inclue des productions nouvelles (dont des sculptures, dessins, vidéos), mais est aussi le réceptacle d’autres formes : films, objets, textes, documents, œuvres, etc., choisis par le commissaire et les artistes en écho à leur travail. Des peintures d’Etel Adnan aux artefacts produits pour la réplique de la grotte Chauvet, de la démarche poético-politique de Pasolini à la musique expérimentale de Moondog, en passant par la poésie de Christophe Tarkos ou de Manuel Joseph, ces éléments hétéroclites forment une sorte de « généalogie fictive » déployée dans l’espace. Une zone de tension sourde qui laisse percer à sa surface, comme par capillarisation, des vestiges refoulés.
Le titre de cette exposition à la fois collective et individuelle, Spolia, est tiré d’un mot latin qui désigne en architecture l’utilisation d’un fragment d’un ouvrage existant pour l’intégrer à un nouvel ensemble. Les origines troubles de cette pratique selon les époques et les lieux, entre nécessité, hommage et exhibition dominatrice du bien « spolié », sied parfaitement au caractère foncièrement archéologique du travail des mountaincutters et au caractère hybride de ce projet en particulier. En amont de l’exposition, les artistes ont effectué des recherches à Saint-Nazaire et ses alentours, puisant dans les ressources industrielles, mais aussi historiques et sensorielles des lieux. L’ensemble forme donc une sorte de « méta exposition » ou œuvre d’art totale, qui permet d’appréhender de manière élargie leur œuvre, mais aussi les fantômes qui la hantent. Il y est notamment question de destruction, de fusion, de fossiles, de tragédie, de réparation, de poésie et de politique, mais saisis dans un système non discursif, qui relève plutôt de l’ineffable, voire littéralement de l’ « innommable », soit : ce qui se refuse à être nommé.
Guillaume Désanges
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Avec : mountaincutters, Etel Adnan, CADA (Colectivo Acciones de Arte), Danièle Allemand et Stéphane Gérard (initiateurs de l’atelier Phénomènes), Manuel Joseph, l’art du Kintsugi (Catherine Algoet/mountaincutters), Moondog, Pier Paolo Pasolini, W.G. Sebald, Richard Serra, Christophe Tarkos.
Remerciements : Amaury Cornut, Philippe Durand, Stéphane Gérard, Wolfgang Gnida, Jean-Marc Prévost
Production
Œuvres
60 x 80 cm
Copyright Hardin & Goebel
7 x 8 x 8 cm
Editions P.O.L.
14,8 x 21 cm
Collection Wolfgang Gnida
14,8 x 21 cm
Collection Wolfgang Gnida
14,8 x 21 cm
Collection Wolfgang Gnida
Édition sur papier, 2 pages
21 x 29,7 cm
Collection Wolfgang Gnida
35 x 45 cm
Collection Carré d'art, Nîmes
37 x 24,5 cm (couvercle fermé)
49 cm x 7,5 cm (couvercle ouvert)
Deutsches Literaturarchiv Marbach Archiv, Handschriftenlesesaal, Marbach am Neckar
3 min
Courtesy Arsenal Institut für Film und Videokunst e.V., Berlin
8 min 20 s
Courtesy Lotty Rosenfeld et CADA
24 x 30 cm
Collection Carré d'art, Nîmes
24 x 30 cm
Collection Carré d'art, Nîmes
Extrait
Divers éléments de dimensions variables
1 min 20 s
Minerva Pictures, Rome
Editions P.O.L.
11 min 52 s
Résidence liée
Biographies
Guillaume Désanges
Commissaire d’exposition et critique d’art, il dirige Work Method, structure indépendante de production et développe internationalement des projets d’expositions et de conférences.